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bal s’élance hors de sa tente, appelle des cavaliers, prend la jument de son frère, et ils poursuivirent Giafar pendant quatre heures.

La jument du frère de Giabal était du même sang que la sienne, quoique moins bonne. Devançant tous les autres cavaliers, il était au moment d’atteindre Giafar, lorsqu’il lui crie : « Pince-lui l’oreille droite et donne un coup d’étrier. » Giafar obéit, et part comme la foudre. La poursuite devient alors inutile : trop de distance les sépare. Les autres Bédouins reprochent à Giabal d’être lui-même la cause de la perte de sa jument[1]. « J’aime mieux, répondit-il, la perdre que de ternir sa réputation. Voulez-vous que je laisse dire, dans la tribu de Would-Ali[2], qu’une autre jument a pu dépasser la mienne ? Il me reste du moins la satisfaction de dire qu’aucune autre n’a pu l’atteindre. »

Il revint chez lui avec cette consolation, et Giafar reçut le prix de son adresse. — Un autre nous raconta que dans la tribu de Neggde il y avait une jument aussi réputée que celle de Giabal, et qu’un Bédouin d’une autre tribu, nommé Daher, était devenu comme fou du désir de l’avoir. Ayant offert en vain pour elle ses chameaux et toutes ses richesses, il s’imagine de se teindre la figure avec du jus d’herbe, de se vêtir de haillons, de se lier le cou et les jambes comme un mendiant estropié, et d’aller ainsi attendre Nabec, le maître de

  1. Chaque Bédouin accoutume son cheval à un signe qui lui fait déployer toute sa vitesse. Il ne s’en sert que dans un pressant besoin, et n’en confierait pas le secret, même à son fils.
  2. Tribu dont les chevaux ont le plus de réputation parmi les Bédouins.