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tué dix hommes et blessé une vingtaine. Malgré ce succès, les Bédouins étaient indignés de la mauvaise foi de Nasser, qui n’avait aucun motif de haine contre cette tribu.

De tout côté on se concertait avec le drayhy pour détruire la tribu El-Hassnné. La nouvelle en étant parvenue à l’émir Douhi, chef de la tribu Would-Ali, parent et ami intime de Mehanna, et qui, ainsi que lui, doit escorter la grande caravane, il arriva un jour, avec trente cavaliers, pour l’avertir du danger qui le menaçait. Les principaux de la tribu allèrent au-devant de Douhi : entré dans la tente, Mehanna commanda le café ; l’émir l’arrêta, et lui dit : « Mehanna, ton café est déjà bu ! Je ne viens ici ni boire ni manger, mais bien t’avertir que la conduite de ton fils Nasser-Pacha (titre qu’il lui donnait par dérision) amène la destruction sur toi et les tiens. Sache que tous les Bédouins ont formé une ligue, et vont te déclarer une guerre à mort. » Mehanna, changeant de couleur, s’écria : « Eh bien ! es-tu content, Nasser ? tu seras le dernier de la race de Melkghem ! »

Nasser, loin de céder, répondit qu’il tiendrait tête à tous les Bédouins, et qu’il aurait le secours de vingt mille Osmanlis, ainsi que celui de Mola Ismaël, chef de la cavalerie curde qui porte le shako. Douhi passa la nuit à tâcher de détourner Nasser de ses projets, sans pouvoir y parvenir ; le lendemain il partit, disant : « Ma conscience me défend de m’unir à vous. La parenté et le pain que nous avons mangé ensemble me défendent de vous déclarer la guerre ; adieu ! je vous quitte avec chagrin. »