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nous a séparés. Chacun alors a regagné sa tribu, l’ennemi ayant perdu un de ses hommes, et nous en ayant eu deux blessés. »

La tribu de Nasser feignit de partager son triomphe, tandis que, dans le fond, elle était fort mécontente d’une guerre injuste, faite à leurs amis naturels, pour plaire aux Osmanlis. Nasser, visitant tous les chefs pour leur conter son succès, vint chez Scheik-Ibrahim et lui adressa la parole en turc ; Scheik-Ibrahim lui ayant fait observer qu’il ne parlait que le grec, sa langue naturelle, et un peu d’arabe, Nasser se mit à lui vanter le langage et les coutumes des Turcs, disant qu’on ne pouvait être vraiment grand, puissant et respecté, qu’autant qu’on était bien avec eux. « Quant à moi, ajouta-t-il, je suis plus Osmanli que Bédouin.

» — Ne vous fiez pas aux promesses des Turcs, lui répondit Scheik-Ibrahim, non plus qu’à leur grandeur et à leur magnificence ; ils vous favorisent pour vous gagner, et vous mettre mal avec vos compatriotes, afin de se servir de vous pour combattre les autres tribus. L’intérêt du gouvernement turc est de détruire les Bédouins : n’étant pas assez fort pour le faire par lui-même, il veut vous armer les uns contre les autres. Prenez garde d’avoir à vous en repentir un jour. Je vous donne ce conseil comme un ami qui prend à vous un vif intérêt, et parce que j’ai mangé votre pain et reçu votre hospitalité. »

À quelque temps de là, Nasser reçut de Soliman, pacha d’Acre et de Damas, un message pour l’engager à venir recevoir l’investiture du commandement général de tout le