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parmi les Bédouins vient de son cœur noble et généreux, et de ce qu’il est chef d’une famille très-ancienne et très-nombreuse. Il est chargé par le pacha de Damas d’escorter la grande caravane jusqu’à la Mecque, moyennant vingt-cinq bourses (douze mille cinq cents piastres), qui lui sont payées avant le départ de Damas. Il a trois fils : Nasser, Faress et Hamed, tous trois mariés, et habitant la même tente que leur père. Cette tente a soixante-douze pieds de long et autant de large : elle est de toile de crin noir, et partagée en trois parties. Dans le fond on garde les provisions et on fait la cuisine ; les esclaves y couchent. Au centre se tiennent les femmes, et toute la famille s’y retire la nuit. Le devant est destiné aux hommes. C’est là qu’ils reçoivent les étrangers ; cette partie s’appelle rabha.

Après trois jours consacrés à jouir de l’hospitalité, nous ouvrîmes nos ballots et vendîmes beaucoup d’objets, sur la plupart desquels nous perdions plus ou moins. Je ne comprenais rien à cette manière de faire le commerce, et le dis à Scheik-Ibrahim. — « Avez-vous donc oublié nos conditions ? » me répondit-il. Je m’excusai pour lors et continuai de vendre selon son bon plaisir.

Nous vîmes arriver un jour cinquante cavaliers bien montés qui, s’arrêtant au dehors des tentes, descendirent de cheval et s’assirent par terre. L’émir Nasser, chargé de toutes les affaires depuis que son père était devenu sourd, fut les rejoindre accompagné de son cousin Scheik-Zamel, et eut avec eux une conférence de deux heures, après laquelle les cavaliers remontèrent à cheval et partirent. Scheik-Ibrahim, inquiet de cette entrevue mystérieuse, ne