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avec celle de Hassnné. Ceux-ci ayant appris qu’il se trouvait en ville un de leurs ennemis, résolurent d’aller l’attendre hors de Palmyre pour le tuer. Bani en ayant été averti vint chez nous, attacha sa jument à notre porte, et nous pria de lui prêter un feutre. Nous en avions plusieurs qui enveloppaient nos marchandises ; je lui en apportai un. Il le mit à tremper dans l’eau pendant une demi-heure, et le plaça ensuite tout mouillé sur le dos de sa jument, la selle par-dessus. Deux heures après, elle eut une diarrhée très-forte, qui dura toute la soirée ; et le lendemain elle semblait n’avoir rien dans le corps. Alors Bani ôta le feutre, qu’il nous rendit, sangla fortement sa monture et partit.

Sur les quatre heures après midi, nous vîmes revenir sans butin les Bédouins de la tribu El-Daffir. Quelqu’un leur ayant demandé ce qu’ils avaient fait de la jument de Bani ; « Voici, dirent-ils, ce qui nous est arrivé. Ne voulant pas faire insulte à Ragial, tributaire de Mehanna, nous nous sommes abstenus d’attaquer notre ennemi dans la ville ; nous aurions pu l’attendre dans un passage étroit ; mais nous étions sept contre un : nous résolûmes donc de rester en rase campagne. L’ayant aperçu, nous avons couru sur lui ; mais, lorsqu’il s’est trouvé au milieu de nous, il a poussé un grand cri, disant à sa cavale : « Jah Hamra, c’est aujourd’hui ton tour. » Et il est parti comme un éclair. Nous l’avons poursuivi jusqu’à sa tribu sans pouvoir l’atteindre, émerveillés de la vitesse de sa jument, qui ressemblait à un oiseau fendant l’air avec ses ailes. » Je leur contai alors l’histoire du feutre, qui les étonna beaucoup, n’ayant, disaient-ils, aucune idée d’une pareille sorcellerie.