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de mon adresse, qu’il me donna le surnom de l’Industrieux.

Peu de temps après, nous apprîmes que les Bédouins s’approchaient de Palmyre : on en voyait même déjà dans les environs de Coriétain. Un jour, il en vint un nommé Selame-el-Hassan. Nous étions chez Selim quand il y entra ; on apporta le café, et, pendant que nous le prenions, plusieurs habitants vinrent trouver le scheik, et lui dirent : « Il y a huit ans, dans tel endroit, Hassan a tué notre parent ; nous venons vous en demander justice. » Hassan, niant le fait, demanda s’ils avaient des témoins. — « Non, répondirent-ils ; mais on vous a vu passer tout seul par tel chemin, et peu de temps après nous y avons trouvé notre parent mort. Nous savons qu’il existait un motif de haine entre vous deux : il est donc sûr que vous êtes son assassin. » Hassan niait toujours. Le scheik, qui par crainte ménageait beaucoup les Bédouins, et qui d’ailleurs n’avait pas de preuves positives contre lui, prit un morceau de bois, et dit : « Par Celui qui créa cette tige, jurez que vous n’avez pas tué leur parent. » Hassan prend la tige, la regarde pendant quelques minutes, et baisse les yeux ; puis ensuite relevant la tête vers les accusateurs : « Je ne veux pas, dit-il, avoir deux crimes sur le cœur : l’un d’être le meurtrier de cet homme, l’autre de jurer faussement devant Dieu. C’est moi qui ai tué votre parent : que voulez-vous pour le prix de son sang[1] ? » Le scheik, par ménagement pour les Bédouins, ne voulut pas agir selon toute la rigueur des lois, et,

  1. D’après les lois arabes, on rachète le meurtre à prix d’argent ; la somme en est fixée selon les circonstances.