Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.

De retour au logis, Scheik-Ibrahim me demanda si je notais ce que nous avions vu, et ce qui nous était arrivé depuis notre départ d’Alep ; et, sur ma réponse négative, il me pria de le faire, m’engageant à me rappeler le passé, et à tenir un journal exact de tout, en arabe, afin qu’il pût lui-même le traduire en français. Depuis je pris des notes qu’il transcrivait soigneusement chaque jour, et qu’il me rendait le lendemain. Je les réunis aujourd’hui dans l’espoir qu’elles pourront être utiles un jour, et m’offrir une légère compensation à mes fatigues et à mes peines.

M. Lascaris s’étant décidé à partir pour le village de Saddad, j’engageai Naufal à nous accompagner ; et nous étant réunis à quelques autres personnes, nous partîmes de Homs avec toutes nos marchandises. Après cinq heures de marche, nous traversâmes un large ruisseau qui coule du nord au midi vers le château de Hasné. Ce château, commandé par un aga, sert de halte à la caravane de la Mecque venant de Damas. L’eau de ce ruisseau est excellente à boire ; nous en remplîmes nos outres. Cette précaution est nécessaire, car on n’en trouve plus pendant les sept heures de marche qui restent à faire pour arriver à Saddad. Nous y étions rendus au coucher du soleil. Naufal nous conduisit chez le scheik Hassaf-Abou-Ibrahim, vénérable vieillard, père de neuf enfants tous mariés, et habitant sous le même toit. Il nous reçut à merveille, et nous présenta toute sa famille, qui, à notre grand étonnement, se composait de soixante-quatre personnes.

Le scheik nous ayant demandé si nous voulions nous établir dans le village ou voyager dans d’autres pays, nous lui