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fils (c’est ainsi qu’il m’appelait toujours), je vois que vous avez un grand penchant pour le commerce ; et, comme je désire rester quelque temps avec vous, je veux vous occuper d’une manière qui vous soit agréable. Voici de l’argent : faites achat des marchandises les plus estimées à Homs, à Hama et dans leurs environs. Nous irons faire le commerce dans ces contrées les moins fréquentées par les marchands. Vous verrez que nous y ferons de bonnes affaires. » Le désir de rester auprès de M. Lascaris, et la persuasion que cette entreprise nous serait avantageuse, me firent accepter sa proposition sans hésiter ; et je commençai immédiatement, d’après une note qu’il me remit, à faire les achats, qui consistaient dans les articles suivants : toile rouge, ambre, coraux en chapelets, mouchoirs de coton, mouchoirs de soie noire et de couleur, appelés cafiés, chemises noires, épingles, aiguilles, peignes en buis et en os, bagues, mors de chevaux, bracelets de verre et différentes verroteries ; nous y joignîmes des produits chimiques, des épices et des drogues. M. Lascaris paya ces divers articles onze mille piastres ou deux mille talaris.

Toutes les personnes d’Alep qui me voyaient acheter ces marchandises me disaient que M. Lascaris était devenu fou. Effectivement, son costume et ses manières le faisaient passer pour tel. Il portait une barbe longue et mal peignée, un turban blanc fort sale, une mauvaise robe ou gombaz, avec une veste par-dessus, une ceinture en cuir, et des souliers rouges, sans bas. Lorsqu’on lui parlait, il feignait de ne pas comprendre ce qu’on lui disait. Il passait la plus grande partie de la journée au café, et mangeait au bazar ; ce que ne font pas dans le pays les gens comme il faut.