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tinée. Ce ne fut qu’un éclair, et je m’en afflige ; il est évident que Bonaparte était l’homme de l’Orient, et non l’homme de l’Europe.

On rira en lisant ceci : cela paraîtra paradoxal pour tout le monde ; mais demandez aux voyageurs. Bonaparte, dont on prétend faire aujourd’hui l’homme de la révolution française et de la liberté, n’a jamais rien compris à la liberté, et a fait avorter la révolution française. L’histoire le prouvera à toutes ses pages, quand elle aura été écrite sous d’autres inspirations que celles qui la dictent aujourd’hui. Il a été la réaction incarnée contre la liberté de l’Europe, réaction glorieuse, bruyante, éclatante, et voilà tout. Que voulez-vous pour preuve ? Demandez ce qu’il reste aujourd’hui de Bonaparte dans le monde, si ce n’est une page de bataillon et une page de restauration malhabile ? Mais une pierre d’attente, un monument, un avenir, quelque chose qui vive après lui, hormis son nom, rien qu’une immense mémoire. En Asie, il aurait remué des hommes par millions, et, homme d’idées simples lui-même, il aurait, avec deux ou trois idées, élevé une civilisation monumentale qui durerait mille ans après lui. Mais l’erreur fut commise : Napoléon choisit l’Europe ; seulement il voulut lancer un explorateur