Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dix ans de lectures et de méditations. Je me sentais heureux ainsi errant à l’aventure, sans autre route que mon caprice, au milieu de déserts et de pays inconnus. Je disais à mes amis et à M. Mazoyer, mon drogman, que si j’étais seul et sans affections de famille, je mènerais cette vie pendant des années et des années. J’aimerais à ne me jamais coucher où je me serais réveillé, à promener ma tente depuis les rivages d’Égypte jusqu’à ceux du golfe Persique ; à n’avoir pour but, le soir, que le soir même ; à parcourir du pied, de l’œil et du cœur, toutes ces terres inconnues, toutes ces races d’hommes si diverses de la mienne ; à contempler l’humanité, ce plus bel ouvrage de Dieu, sous toutes ses formes. Que faut-il pour cela ? Quelques esclaves ou serviteurs fidèles, des armes, un peu d’or, deux ou trois tentes, et des chameaux. Le ciel de ces contrées est presque toujours tiède et pur, la vie facile et peu chère, l’hospitalité certaine et pittoresque. Je préférerais cent fois des années ainsi écoulées sous des cieux différents, avec des hôtes et des amis toujours nouveaux, à la stérile et bruyante monotonie de la vie de nos capitales. Il y a certainement plus de peine à mener à Paris ou à Londres la vie d’un homme du monde, qu’à parcourir l’univers en voyageur. Le résultat des deux fatigues est cependant bien différent. Le voya-