Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombait avec les flots ; puis au retour de la lame elles s’engloutissaient, avec un bruit de tonnerre, dans l’arche, qu’elles remplissaient jusqu’à la voûte ; et, pressées par le choc, elles en jaillissaient en un torrent d’écume nouvelle qui se dressait comme des langues furieuses jusqu’au sommet du rocher, d’où elles retombaient en chevelures et en poussière d’eau. Nos chevaux frissonnaient d’horreur à chacun de ces retours de la vague, et nous ne pouvions arracher nos yeux de ce combat des deux éléments. Pendant une demi-heure de marche, la côte est inondée de ces jeux magnifiques de la nature : il y a des tours crénelées toutes couvertes de nids d’hirondelles de mer, des ponts naturels joignant le rivage et les écueils, et sous lesquels vous entendez, en passant, mugir les lames souterraines ; il y a, dans certains endroits, des rochers percés par le refoulement des vagues, qui laissent jaillir l’écume de la mer sous nos pieds comme des tuyaux de jets d’eau ; — l’eau s’élève à quelques pieds de terre en immense colonne, puis rentre en murmurant dans ses abîmes, lorsque le flot s’est retiré. La mer était forte en ce moment ; elle arrivait en larges et hautes collines bleues, se dressait en crêtes transparentes en approchant des rochers, et y croulait avec un tel fracas que la rive en tremblait au loin, et que nous croyions voir vaciller l’arche marine que nous contemplions devant nous.

Après les solitudes silencieuses et terribles que nous venions de traverser, l’aspect sans bornes d’une mer immense et vide de bâtiments, à l’heure du soir où les premières ombres commencent à brunir ses abîmes ; ces cassures gigantesques de la côte, et ce bruit tumultueux des vagues qui roulaient des rochers énormes, comme les pattes de l’oiseau