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sous les arches pyramidales, la mer avec ses anses dans les rochers, l’immense bloc du Liban avec les innombrables accidents de sa structure ; ses pyramides de neige allant s’enfoncer, comme des cônes d’argent, dans les profondeurs du ciel, où l’œil les cherchait comme des étoiles ; les bruits insensibles des insectes autour de nous, le chant des mille oiseaux sur les arbres, les mugissements des buffles ou les plaintes presque humaines du chameau des caravanes ; le retentissement sourd et périodique des larges lames brisant sur le sable à l’embouchure du fleuve ; l’horizon sans fin de la Méditerranée ; l’horizon serpentant et vert du lit du Nahr-Bayruth à droite ; la muraille crénelée et gigantesque du Liban en face ; le dôme rayonnant et serein du ciel échancré seulement par les cimes des monts, ou par les têtes aux formes coniques des grands arbres ; la tiédeur, le parfum de l’air, où tout cela semblait nager, comme une image dans l’eau transparente d’un lac de la Suisse : tous ces aspects, tous ces bruits, toutes ces ombres, toute cette lumière, toutes ces impressions, formaient, de cette scène, le plus sublime et le plus gracieux paysage dont mes yeux se fussent enivrés jamais. Qu’était-ce donc pour Julia ! Elle était tout émue, toute rayonnante, toute tremblante de saisissement et de volupté intérieure ; et moi, j’aimais à graver de tels spectacles dans son imagination d’enfant. Dieu s’y peint mieux que dans les lignes d’un catéchisme : il s’y peint en traits dignes de lui ; la souveraine beauté, l’immense bonté d’une nature accomplie, le révèlent, tel qu’il est, à l’âme de l’enfant ; cette beauté physique et matérielle se traduit pour elle en sentiment de beauté morale. On fait voir à l’artiste les statues de la Grèce pour lui inspirer l’instinct du beau : il faut faire voir à l’âme jeune les grandes et belles