Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les pavillons de leurs jardins ; de petits sentiers encaissés dans le sable conduisent de maisons en maisons, d’une colline à l’autre, à travers ces jardins continus qui vont de la mer jusqu’au pied du Liban ; en les suivant, on trouve tout à coup, sur le seuil de ces petites maisons, les scènes les plus ravissantes de la vie patriarcale : ce sont les femmes et les jeunes filles accroupies sous le mûrier ou le figuier, à leur porte, qui brodent les riches tapis de laine aux couleurs heurtées et éclatantes ; d’autres, attachant les bouts de fil de soie à des arbres éloignés, les dévident en marchant lentement et en chantant d’un arbre à l’autre ; des hommes marchant, au contraire, en reculant d’arbre en arbre, occupés à faire des étoffes de soie, et jetant la navette qu’un autre homme leur renvoie. Les enfants sont couchés dans des berceaux de jonc ou sur des nattes, à l’ombre ; quelques-uns sont suspendus aux branches des orangers ; les gros moutons de Syrie, à la queue immense et traînante, trop lourds pour pouvoir se remuer, sont couchés dans des trous qu’on creuse exprès dans la terre fraîche devant la porte ; une ou deux belles chèvres à longues oreilles pendantes comme celles de nos chiens de chasse, et quelquefois une vache, complètent le tableau champêtre ; le cheval du maître est toujours là aussi, couvert de son harnais magnifique, et prêt à être monté ; il fait partie de la famille, et semble prendre intérêt à tout ce qui se fait, à tout ce qui se dit autour de lui ; sa physionomie s’anime comme celle d’un visage humain : quand l’étranger paraît et lui parle, il dresse ses oreilles, il relève ses lèvres, ride ses naseaux, tend sa tête au vent, et flaire l’inconnu qui le flatte ; ses yeux doux, mais profonds et pensifs, brillent, comme deux charbons, sous la belle et longue crinière de son front.