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parlent la même langue, ont les mêmes usages, et participent à la même sagesse, à la même grandeur de traditions, qui est l’atmosphère d’un peuple.

Au dessert, les vins de Chypre et du Liban circulent à grands flots ; les Arabes chrétiens et la famille de l’émir Beschir, qui est chrétienne ou croit l’être, en boivent sans difficulté dans l’occasion. On porte des toasts à la victoire d’Ibrahim, à l’affranchissement du Liban, à l’amitié des Francs et des Arabes ; puis enfin le prince en porte un aux dames présentes à cette fête : son barde alors se prit à improviser à l’ordre du prince, et chanta, en récitatif et à gorge déployée, des vers arabes, dont voici à peu près le sens :

« Buvons le jus d’Éden, qui enivre et réjouit le cœur de l’esclave et du prince. C’est du vin de ces plants que Noé a plantés lui-même quand la colombe, au lieu du rameau d’olivier, lui rapporta du ciel le cep de la vigne. Par la vertu de ce vin, le poëte un instant devient prince, et le prince devient poëte.

« Buvons-le à l’honneur de ces jeunes et belles Franques qui viennent du pays où toute femme est reine. Les yeux d’une femme de Syrie sont doux, mais ils sont voilés. Dans les yeux des filles d’Occident il y a plus d’ivresse que dans la coupe transparente que je bois.

« Boire le vin et contempler le visage des femmes, pour le musulman c’est pécher deux fois ; pour l’Arabe c’est deux fois jouir, et bénir Dieu de deux manières. »