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la beauté sévère et mâle des statues grecques ; ses cheveux d’un blond bronzé et doré comme le cuivre des statues antiques, couleur très-estimée dans ce pays du soleil, dont elle est comme un reflet permanent ; ses cheveux, détachés de sa tête, tombaient autour d’elle, et balayaient littéralement le sol ; sa poitrine était entièrement découverte, selon la coutume des femmes de cette partie de l’Arabie ; et quand elle se baissait pour embrasser la pierre du turban, ou pour coller son oreille à la tombe, ses deux seins nus touchaient la terre, et creusaient leur moule dans la poussière, comme ce moule du beau sein d’Atala ensevelie, que le sable du sépulcre dessinait encore dans l’admirable épopée de M. de Chateaubriand. Elle avait jonché de toutes sortes de fleurs le tombeau et la terre alentour ; un beau tapis de Damas était étendu sous ses genoux ; sur le tapis il y avait quelques vases de fleurs, et une corbeille pleine de figues et de galettes d’orge ; car cette femme devait passer la journée entière à pleurer ainsi. Un trou, creusé dans la terre, et qui était censé correspondre à l’oreille du mort, lui servait de porte-voix vers cet autre monde où dormait celui qu’elle venait visiter. Elle se penchait de moments en moments vers cette ouverture ; elle y chantait des choses entremêlées de sanglots, elle y collait ensuite l’oreille, comme si elle eût attendu la réponse ; puis elle se remettait à chanter en pleurant encore. J’essayai de comprendre les paroles qu’elle murmurait ainsi, et qui venaient jusqu’à moi ; mais mon drogman arabe ne put les saisir ou les rendre. Combien je les regrette ! que de secrets de l’amour ou de la douleur ! que de soupirs animés de toute la vie de deux âmes arrachées l’une à l’autre, ces paroles confuses et noyées de larmes devaient contenir ! Oh ! si quelque chose pouvait ja-