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village de Béthulie, peuplé encore de quelques familles arabes, nous y reconnaissons les restes d’un monument chrétien. Il y a une bonne source. Un Arabe tire de l’eau pendant une heure, pour abreuver nos chevaux et remplir nos jarres suspendues aux selles de nos mulets. Il n’y a plus d’eau jusqu’à Jéricho, dix ou douze heures de marche.

Nous repartons de Béthulie à quatre heures après midi. Descente de deux heures par un chemin large et à pentes artificiellement ménagées, taillé dans les flancs à pic des montagnes, qui se succèdent sans interruption. C’est la seule trace d’une route que j’aie vue en Orient. C’était la route de Jéricho et des plaines fertiles arrosées par le Jourdain. Elle menait aux possessions des tribus d’Israël qui avaient eu en partage tout le cours de ce fleuve, et la plaine de Tibériade jusqu’aux environs de Tyr et au pied du Liban. Elle conduisait en Arabie, en Mésopotamie, et par là en Perse et aux Indes, pays avec lesquels Salomon avait établi ses grandes relations commerciales. Ce fut lui, sans doute, qui créa cette route. C’est aussi par ces vallées que le peuple juif passa pour la première fois, quand il descendit de l’Arabie Pétrée, traversa le Jourdain et vint s’emparer de son héritage.

À partir de Béthulie, on ne rencontre plus ni maison ni culture ; les montagnes sont complétement dépouillées de végétation ; c’est du rocher ou de la poussière de rocher que le vent laboure à son gré ; une teinte de cendre noirâtre couvre, comme d’un linceul funèbre, toute cette terre. De temps en temps les montagnes se concassent et se fendent en gorges étroites et profondes : abîmes où nul sentier ne