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cher avec soin quelques fragments de poésies arabes populaires, et surtout du poëme héroïque d’Antar. Je parvins à m’en procurer un certain nombre, et je me les faisais traduire par mon drogman pendant les soirées d’hiver que je passai dans le Liban. Je commençais moi-même à entendre un peu d’arabe, mais pas assez pour le lire ; mon interprète traduisait les morceaux du poëme en italien vulgaire, et je les traduisais ensuite mot à mot en français. Je conserve ces essais poétiques inconnus en Europe, et je les fais insérer à la fin de cet ouvrage. On verra que la poésie est de tous les lieux, de tous les temps et de toutes les civilisations.

Le poëme d’Antar est, comme je viens de le dire, la poésie nationale de l’Arabe errant ; ce sont les livres saints de son imagination. Combien d’autres fois encore n’ai-je pas vu des groupes de mes Arabes, accroupis le soir autour du feu de mon bivac, tendre le cou, prêter l’oreille, diriger leurs regards de feu vers un de leurs compagnons qui leur récitait quelques passages de ces admirables poésies, tandis qu’un nuage de fumée, s’élevant de leurs pipes, formait au-dessus de leurs têtes l’atmosphère fantastique des songes, et que nos chevaux, la tête penchée sur eux, semblaient eux-mêmes attentifs à la voix monotone de leurs maîtres ! Je m’asseyais non loin du cercle, et j’écoutais aussi, bien que je ne comprisse pas ; mais je comprenais le son de la voix, le jeu des physionomies, les frémissements des auditeurs ; je savais que c’était de la poésie, et je me figurais des récits touchants, dramatiques, merveilleux, que je me récitais à moi-même.

C’est ainsi qu’en écoutant de la musique mélodieuse ou