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C’était l’heure de midi, l’heure où le muezzin épie le soleil sur la plus haute galerie du minaret, et chante l’heure et la prière de toutes les heures ; voix vivante, animée, qui sait ce qu’elle dit et ce qu’elle chante, supérieure, à mon avis, à la voix sans conscience de la cloche de nos cathédrales, si l’on pouvait l’entendre d’aussi loin. Mes Arabes avaient donné l’orge, dans le sac de poil de chèvre, à mes chevaux attachés çà et là autour de ma tente, les pieds enchaînés à des anneaux de fer : ces beaux et doux animaux étaient immobiles, leur tête penchée et ombragée par leur longue crinière éparse, leur poil gris, luisant, et fumant sous les rayons d’un soleil de plomb. Les hommes s’étaient rassemblés à l’ombre du plus large des oliviers ; ils avaient étendu sur la terre leurs nattes de Damas, et ils fumaient, en se contant des histoires du désert, ou en chantant des vers d’Antar ; Antar, ce type de l’Arabe errant, à la fois pasteur, guerrier et poëte, qui a écrit le désert tout entier dans ses poésies nationales, épique comme Homère, plaintif comme Job, amoureux comme Théocrite, philosophe comme Salomon ; ses vers, qui endorment ou exaltent l’imagination de l’Arabe autant que la fumée du tombach dans le narguilé, retentissaient en sons gutturaux dans le groupe animé de mes Saïs ; et quand le poëte avait touché plus juste ou plus fort la corde sensible de ces hommes sauvages, mais impressionnables, on entendait un léger murmure de leurs lèvres ; ils joignaient leurs mains, les élevaient au-dessus de leurs oreilles, et, inclinant la tête, ils s’écriaient : Allah ! Allah ! Allah !

Plus tard, le souvenir de ces heures passées ainsi à écouter ces vers, que je ne pouvais comprendre, me fit recher-