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s’était arrêté au camp de Philippopoli, et avait répandu le bruit qu’un voyageur franc était tombé malade et se mourait à Yenikeui ; ce bruit parvient à M. Mauridès à dix heures du soir ; il présume que ce Franc c’est son hôte ; il envoie chercher son ami le médecin, rassemble ses domestiques, fait charger sur ses chevaux tout ce que sa prévoyance charitable lui fait juger nécessaire à un malade, part au milieu de la nuit, marche sans s’arrêter, et vient, à deux journées de route, apporter des secours, des remèdes et des consolations à un inconnu qu’il ne reverra jamais. Voilà de ces traits qui rafraîchissent l’âme, et montrent la généreuse nature de l’homme dans tous les lieux et dans tous les climats. M. Mauridès me trouva presque convalescent ; ses affaires le rappelaient à Philippopoli ; il repart le même jour, et me laisse le jeune médecin macédonien : c’était un homme de talent et d’instruction ; il avait fait ses études médicales à Semlin, en Hongrie, et parlait latin. Son talent nous fut inutile ; la tendresse, la présence d’esprit et l’énergie de résolution de ma femme avaient suppléé à tout ; mais sa société nous fut douce pendant les vingt mortelles journées de séjour à Yenikeui, nécessaires pour que la maladie se dissipât, et que je reprisse des forces pour remonter à cheval.

Le prince de Tatar-Bazargik, informé dès le premier moment de ma maladie, ne me donna pas des marques moins touchantes d’intérêt et d’hospitalité. Il m’envoya chaque jour des moutons, des veaux pour mes gens ; et, pendant tout le temps de mon séjour à Yenikeui, cinq ou six cavaliers de sa garde restèrent constamment dans ma cour avec leurs chevaux tout bridés, et prêts à exécuter