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Telle était Jérusalem pendant tous les jours que nous passâmes sous ses murailles. Je n’y ai entendu que le hennissement de mes chevaux qui s’impatientaient au soleil, autour de notre camp, et qui creusaient du pied le sol en poussière ; et d’heure en heure le chant mélancolique du muezzin criant l’heure du haut des minarets, ou les lamentations cadencées des pleureurs turcs, accompagnant en longues files les pestiférés aux différents cimetières qui entourent les murs. Jérusalem, où l’on veut visiter un sépulcre, est bien elle-même le tombeau d’un peuple, mais tombeau sans cyprès, sans inscriptions, sans monuments, dont on a brisé la pierre, et dont les cendres semblent recouvrir la terre qui l’entoure de deuil, de silence et de stérilité. Nous y jetâmes plusieurs fois nos regards, en la quittant, du haut de chaque colline d’où nous pouvions l’apercevoir encore ; et enfin nous vîmes, pour la dernière fois, la couronne d’oliviers qui domine la montagne de ce nom, et qui surnage longtemps dans l’horizon après qu’on a perdu la ville de l’œil, s’abaisser elle-même dans le ciel, et disparaître comme ces couronnes de fleurs pâles que l’on jette dans un sépulcre.

Nous devions cependant y revenir encore, mais, hélas ! non plus dans les mêmes sentiments ; non plus pour y pleurer sur les misères des autres, mais pour y gémir sur nos propres misères, et pour y faire boire nos propres larmes à cette terre qui en a tant bu et tant séché.

Hier j’avais planté ma tente dans un champ rocailleux, où croissaient quelques troncs d’oliviers noueux ou rabougris, sous les murs de Jérusalem, à quelques centaines de