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Juillet.


Même vie solitaire à Buyukdéré. Le soir, sur la mer ou dans la vallée des Roses. Visites de M. Truqui toutes les semaines. Les bons cœurs ont seuls en eux une vertu qui console. Dieu leur a donné l’unique dictame qu’il y ait pour les blessures incurables du cœur, la sympathie.

Hier, le comte Orloff, commandant de la flotte et de l’armée russes, et ambassadeur extraordinaire de l’empereur de Russie auprès de la Porte, a célébré son succès et son départ par une fête militaire donnée au sultan sur le Bosphore. Les jardins de l’ambassade de Russie à Buyukdéré couvrent les flancs boisés d’une montagne qui ferme le golfe et dont la mer baigne le pied. On a, des terrasses des palais, la vue du Bosphore dans son double cours vers Constantinople et vers la mer Noire. Tout le jour, le canon de la flotte russe, mouillée au pied des jardins devant nos fenêtres, a retenti de minute en minute, et ses mâts pavoisés se sont confondus avec la verdure des grands arbres des deux rives. La mer a été couverte dès le matin de petits navires et de caïques apportant de Constantinople quinze ou vingt mille spectateurs qui se sont répandus dans les kiosques, dans les prairies, sur les rochers des environs. Un grand nombre est resté dans les caïques, qui, remplis de femmes juives, turques, arméniennes, vêtues de couleurs éclatantes, flottent, comme des bouquets de fleurs, çà et là sur la mer. Le camp des Russes sur les flancs de la mon-