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il en diminuerait le prix par la profusion qu’il répandrait dans le commerce ; et cette ressource, qui semble immense pour ses finances, n’en est peut-être pas une.

Le kesnedar, homme ouvert, gai et spirituel, m’introduisit dans l’appartement qu’il occupe. J’y trouvai, pour la première fois en Turquie, un peu de luxe d’ameublement et des commodités d’Europe : les divans étaient hauts, et couverts de coussins de soie ; il y avait des tables, des rayons de bois autour de la chambre ; sur ces rayons, des registres, des livres, des cartes de géographie et un globe terrestre. On nous apporta des confitures et des sorbets. Nous causâmes des arts, des sciences de l’Europe comparés à l’état des connaissances humaines dans l’empire ottoman. Le kesnedar me parut aussi instruit et aussi libre de préjugés qu’un Européen. Il comprenait tout ; il désirait le succès de Mahmoud dans ses tentatives d’améliorations ; mais vieux, et ayant passé sa vie dans les emplois de confiance du sérail sous quatre sultans, il semblait espérer peu, et se résigner philosophiquement à l’avenir. Il menait une vie paisible et solitaire dans le fond de ce sérail abandonné. Il m’interrogea longuement sur toutes choses : philosophie, religion, poésie, croyances populaires de l’Europe, régime des divers États, soit monarchies, soit républiques ; politique, tactique ; tout fut passé en revue par lui, avec une rectitude d’esprit, un à-propos et un bon sens de réflexions qui me montrèrent assez que j’avais affaire à un des hommes les plus distingués de l’empire. — Il m’apporta une sphère et son globe terrestre, et voulut que je lui expliquasse les mouvements des astres et les divisions de la terre. Il prit note de tout, et parut enchanté. Il me supplia d’accepter à