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Tout était en mouvement, comme dans un ministère ou dans un palais d’Europe un jour de cérémonie. L’intérieur de ce palais n’était pas magnifiquement meublé : des divans et des tapis, des murs peints à fresque et des lustres de cristal étaient toute sa décoration. Les costumes orientaux, le turban, la pelisse, le pantalon large, la ceinture, le cafetan d’or, abandonnés par les Turcs pour un misérable costume européen, mal coupé et ridiculement porté, a changé l’aspect grave et solennel de ce peuple en une pauvre parodie des Francs. L’étoile de diamants qui brille sur la poitrine des pachas et des vizirs est la seule décoration qui les distingue et qui rappelle leur ancienne magnificence.

On nous conduisit, à travers plusieurs salons encombrés de monde, jusqu’à un petit salon qui donne sur les jardins extérieurs du palais du Grand Seigneur. Là, Namuk-Pacha vint nous joindre, s’assit avec nous, nous fit apporter la pipe et les sorbets, et nous présenta plusieurs des jeunes pachas qui possèdent avec lui la faveur du maître. Des colonels du nisam, ou des troupes régulières de la garde, vinrent se joindre à nous et prendre part à la conversation. Namuk-Pacha, récemment de retour de son ambassade à Pétersbourg, parlait français avec goût et facilité ; ses manières, étudiées des Russes, étaient celles d’un élégant diplomate européen ; il me parut spirituel et fin. Kalil-Pacha, alors capitan-pacha, et qui depuis a épousé la fille du sultan, parle également très-bien français. Achmet-Pacha est aussi un jeune élégant osmanli, qui a toutes les formes d’un Européen. Rien dans ce palais ne rappelait une cour asiatique, excepté les esclaves noirs, les eunuques, les fenêtres grillées des harems, les beaux ombrages et les eaux bleues