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avec inquiétude dans cette foule qu’elle peut décimer demain.




18 juin.


Jours passés dans notre solitude de Buyukdéré, avec le Bosphore et la mer Noire sous nos yeux ; étude, lecture. Le soir, courses en caïques à Constantinople, à Belgrade et dans ses forêts incomparables ; à la côte d’Asie, à l’embouchure de l’Euxin, à la vallée des Roses, située derrière les montagnes de Buyukdéré. J’y vais souvent. Cette délicieuse vallée est arrosée d’une source où les Turcs viennent s’enivrer d’eau, de fraîcheur, de l’odeur des roses, et des chants du bulbul ou rossignol ; sur la fontaine cinq arbres immenses ; un café en feuillage sous leur ombre : au delà, la vallée rétrécie conduit à une pente de la montagne où deux petits lacs artificiels, recueillis de l’eau qui tombe d’une source, dorment sous les vastes voûtes des platanes. Les Arméniennes viennent le soir avec leurs familles s’asseoir sur leurs bords et prendre leur souper. Groupes ravissants autour des troncs d’arbres ; jeunes filles qui dansent ensemble ; plaisirs décents et silencieux des Orientaux. On voit que la pensée intime jouit en elle-même. Ils sentent la nature mieux que nous. Nulle part l’arbre et la source n’ont de plus sincères adorateurs. Il y a sympathie profonde entre leurs âmes et les beautés de la terre, de la mer et du ciel.