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vendue sous nos yeux pour le harem du jeune pacha de Constantinople. Nous sortîmes le cœur flétri et les yeux humides de cette scène, qui se renouvelle tous les jours et à toutes les heures dans les villes de l’Orient, et nous revînmes pensifs au bazar de Stamboul.

Voilà ce que c’est que les législations immobiles ! Elles consacrent les barbaries séculaires, et donnent le droit d’antiquité et de légitimité à tous les crimes. Les fanatiques du passé sont aussi coupables et aussi funestes à l’humanité que les fanatiques de l’avenir. Les uns immolent l’homme à leurs ignorances et à leurs souvenirs ; les autres à leurs espérances et à leur précipitation. Si l’homme faisait, pensait, croyait ce que faisaient et croyaient ses pères, le genre humain tout entier en serait au fétichisme et à l’esclavage. La raison est le soleil de l’humanité : c’est l’infaillible et perpétuelle révélation des lois divines, applicable aux sociétés. Il faut marcher pour la suivre, sous peine de demeurer dans le mal et dans les ténèbres ; mais il ne faut pas la devancer, sous peine de tomber dans des précipices. Comprendre le passé sans le regretter ; tolérer le présent en l’améliorant ; espérer l’avenir en le préparant : voilà la loi des hommes sages et des institutions bienfaisantes. Le péché contre l’Esprit-Saint, c’est ce combat de certains hommes contre l’amélioration des choses ; c’est cet effort égoïste et stupide pour rappeler toujours en arrière le monde moral et social, que Dieu et la nature poussent toujours en avant : le passé est le sépulcre de l’humanité écroulée ; il faut le respecter, mais il ne faut pas s’y enfermer et vouloir y vivre.

Les grands bazars de différentes marchandises, et celui