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moins âpres affaissent leurs croupes et creusent plus mollement leurs étroites vallées ; des villages asiatiques s’y étendent plus riches et plus pressés ; les eaux douces d’Asie, charmante petite plaine ombragée d’arbres et semée de kiosques et de fontaines moresques, s’ouvrent à l’œil ; un grand nombre de voitures de Constantinople, espèces de cages de bois doré, portées sur quatre roues et traînées par deux bœufs, sont éparses sur les pelouses ; des femmes turques en sortent voilées, et se groupent assises au pied des arbres ou sur le bord de la mer, avec leurs enfants et leurs esclaves noires ; des groupes d’hommes sont assis plus loin, prennent le café ou fument la pipe. La variété des couleurs des vêtements des hommes et des enfants, la couleur brune du voile monotone des femmes, forment sous tous ces arbres la mosaïque la plus bizarre de teintes qui enchantent l’œil. Les bœufs et les buffles d’étable ruminent dans les prairies ; les chevaux arabes, couverts d’équipements de velours, de soie et d’or, piaffent auprès des caïques qui abordent en foule, pleins d’Arméniennes ou de femmes juives : celles-ci s’asseyent dévoilées sur l’herbe, au bord du ruisseau ; elles forment une chaîne de femmes, de jeunes filles, dans des costumes et des attitudes divers : il y en a d’une beauté ravissante, que l’étrange variété des coiffures et des costumes relève encore. J’ai vu là souvent une grande quantité de femmes turques des harems dévoilées ; elles sont presque toutes d’une petite taille, très-pâles, l’œil triste et l’aspect grêle et maladif. En général, le climat de Constantinople, malgré toutes ses conditions apparentes de salubrité, me paraît malsain ; les femmes du moins sont loin d’y mériter la réputation de beauté dont elles jouissent ; les Arméniennes et les Juives seules m’ont paru belles. Mais