Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des maisons, et remplissent les rues silencieuses de leurs mélancoliques roucoulements. Au sommet de ces rues s’étend le beau quartier de Péra, habité par les Européens, les ambassadeurs et les consuls : c’est un quartier tout à fait semblable à une pauvre petite ville de nos provinces. Il y avait quelques beaux palais d’ambassadeurs jetés sur les terrasses en pente de Galata ; on n’en voit plus que les colonnes couchées à terre, les pans de murs noircis, et les jardins écroulés : la flamme de l’incendie a tout dévoré. Péra n’a ni caractère, ni originalité, ni beauté ; on ne peut apercevoir, de ses rues, ni la mer, ni les collines, ni les jardins de Constantinople ; il faut monter au sommet de ses toits pour jouir du magnifique coup d’œil dont la nature et l’homme l’ont environné.

M. Truqui nous reçut comme ses enfants ; sa maison est vaste, élégante et admirablement située ; il l’a mise tout entière à notre disposition. Les ameublements les plus riches, la chère exquise de l’Europe, les soins les plus affectueux de l’amitié, la société la plus douce et la plus aimable trouvée en lui et autour de lui, remplacèrent pour nous le tapis ou la natte du désert, le pilau de l’Arabe, l’âpreté et la rudesse de la vie maritime. À peine installé chez lui, je reçois une lettre de M. l’amiral Roussin, ambassadeur de France à Constantinople, qui a la bonté de nous offrir l’hospitalité à Thérapia. Ces marques touchantes d’intérêt et d’obligeance, reçues de compatriotes inconnus, à mille lieues de la patrie et dans l’isolement et le malheur, laissent une trace profonde dans le souvenir du voyageur.