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Voyage d’un jour aux ruines et aux eaux minérales de Tschesmé.

La mer est calmée ; nous mettons à la voile pour Smyrne, journée de vent variable, employée à suivre doucement la côte de Scio ; les bois descendent jusque dans la mer ; les golfes ont tous leurs villes fortifiées, avec leurs ports remplis de petits bâtiments ; la moindre anse a son village ; une foule innombrable de petites voiles rasent les rivages, portant des femmes et des filles grecques qui vont à leurs églises ; sur toutes les croupes, dans toutes les gorges de collines, on voit blanchir une église ou un village. Nous doublons la pointe de l’île, et nous trouvons un contre-vent qui nous pousse dans le golfe de Smyrne ; jusqu’à la nuit nous jouissons de l’aspect des belles forêts et des grands villages alpestres qui touchent la côte occidentale du golfe ; la nuit, nous sommes en calme non loin des îles de Vourla, où nous voyons briller les feux de la flotte française, mouillée là depuis six mois ; le matin, nous apercevons Smyrne adossée à une immense colline de cyprès, au fond du golfe ; de hautes murailles crénelées couronnent la partie supérieure de la ville ; de belles campagnes boisées s’étendent sur la gauche jusqu’aux montagnes. — Là coule le fleuve Mélès ; le souvenir d’Homère plane pour moi sur tous les rivages de Smyrne ; je cherche des yeux cet arbre au bord du fleuve, inconnu alors, où la pauvre esclave déposa son fruit entre les roseaux : cet enfant devait emporter un jour, dans son éternelle gloire, et le nom du fleuve, et le continent, et les îles. Cette imagination que le ciel donnait à la terre devait réfléchir pour nous toute l’antiquité divine et humaine ; il naissait abandonné aux bords d’un fleuve, comme le Moïse de