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désir. C’est un homme qui a joué constamment sa vie et sa fortune avec la destinée : homme étincelant d’esprit et d’audace, parlant toutes les langues, connaissant tous les pays, d’une conversation intéressante et intarissable, aussi prompt à l’action qu’à la pensée ; un de ces hommes dont le mouvement est la nature, et qui s’élèvent comme les oiseaux de la tempête, avec le tourbillon des révolutions, pour retomber avec elles. La nature jette peu d’âmes dans ce moule. Les hommes ainsi faits sont ordinairement malheureux : on les craint, on les persécute ; ils seraient des instruments admirables si on savait les employer à leur œuvre. — J’envoie une barque à Marmorizza, porter un jeune Grec qui attendra là mes chevaux, et donnera ordre à mes saïs de venir me joindre à Constantinople. Nous nous décidons à aller par mer, en visitant les îles de la côte d’Asie et les bords du continent.

Mis à la voile à minuit, par un vent léger ; — doublé le cap Krio le soir du premier jour ; belle et douce navigation entre les îles de Piscopia, de Nizyra et l’île enchantée de Cos, patrie d’Esculape. Après Rhodes, Cos me semble l’île la plus riante et la plus gracieuse de cet archipel ; des villages charmants, ombragés de beaux platanes, bordent ses rives ; la ville est riante et élégamment bâtie. Le soir, nous nous trouvons comme égarés, avec nos deux bricks, au milieu d’un dédale de petites îles inhabitées ; elles sont couvertes, jusqu’aux flots, d’un tapis de hautes herbes ; il y a des canaux charmants entre elles, et presque toutes ont de petites anses où des navires pourraient jeter l’ancre. Que de séjours enchanteurs pour les hommes qui se plaignent de manquer de place en Europe ! c’est le climat et la fertilité de