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3 mai 1833.


Le matin, aperçu les premières cimes de la Caramanie ; mont Taurus dans le lointain ; cimes dentelées et couvertes de neige comme les Alpes vues de Lyon ; vents doux et variables ; nuits splendides d’étoiles ; entré de nuit dans le golfe de Satalie ; aspect de ce golfe, semblable à une mer intérieure ; le vent tombe, le navire dort comme sur un lac ; de quelque côté que le regard se porte, il tombe sur l’encadrement montagneux des baies ; des plans de montagnes de toutes formes et de toutes hauteurs fuient les uns derrière les autres, laissant quelquefois entre leurs cimes inégales de hautes vallées où nage la lumière argentée de la lune ; des vapeurs blanches se traînent sur leurs flancs, et leurs crêtes sont noyées dans des vagues d’un pourpre pâle ; derrière s’élèvent les cimes anguleuses du Taurus avec ses dents de neige ; quelques caps bas et boisés se prolongent de loin en loin dans la mer, et de petites îles, comme des vaisseaux à l’ancre, se détachent çà et là des rivages ; un profond silence règne sur la mer et sur la terre ; on n’entend que le bruit que font les dauphins en s’élançant de temps en temps du sein des flots, pour bondir comme des chevreaux sur une pelouse ; les vagues unies et marbrées d’argent et d’or semblaient cannelées comme des colonnes ioniennes couchées à terre ; le brick n’éprouve pas la moindre oscillation ; à minuit s’élève une brise de terre qui