Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’au fond de l’âme comme la voix des lamentations, et chaque regard tombe sur un monument de sainte tristesse qui absorbe nos tristesses individuelles dans ces misères ineffables de l’humanité, qui furent souffertes, expiées et consacrées ici !

» Partis de Jérusalem à cinq heures du matin, afin d’arriver à Bethléem à l’heure à laquelle on dit la messe dans la grotte de la Nativité ; un vieux religieux espagnol, à grande barbe, couvert d’un machlah[1] rayé de larges bandes noires et blanches, et dont les pieds touchaient à terre, monté qu’il était sur un tout petit âne, marchait devant, et nous servait de guide. Quoique au mois d’avril, un vent glacial soufflait avec violence, et menaçait de me renverser ainsi que mon cheval ; c’étaient les dernières rafales de la tempête sur la mer de Jaffa, qui arrivaient jusqu’à nous. La poussière qui tourbillonnait m’aveuglait ; j’abandonnai les rênes de ma jument à mon saïs arabe, et, rassemblant mon machlah autour de moi, je me concentrai dans les réflexions que faisaient naître la route que je parcourais, et les objets consacrés par la tradition. Mais ces objets sont trop connus, je ne m’arrêterai pas à les décrire : l’olivier du prophète Élie, — la fontaine où l’étoile reparut aux mages, — le site de Rama, d’où sortait la voix déchirante qui retentissait dans mon propre sein, tout excitait en moi des sensations trop intimes pour être rendues.

» Le couvent latin de Bethléem avait été fermé pendant onze mois par la peste ; mais depuis quelque temps il n’y

  1. Manteau bédouin.