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çaient à devenir moins épaisses, et nous laissaient, par intervalles, apercevoir un coin du ciel où brillaient déjà des étoiles. Le vent tomba bientôt tout à fait ; nous descendîmes de cheval ; nous cherchâmes à nous faire un abri pour passer, non-seulement la nuit, mais plusieurs jours peut-être, si le torrent, que nous entendions sans le voir, continuait à fermer le passage. Sous les murs du kan écroulé, à l’abri d’une partie des branches de cèdre qui formaient tout à l’heure le toit, il y avait un espace de dix pieds carrés, encombré de neige et de boue : nous balayâmes la neige ; il restait un pied de fange molle où nous ne pouvions poser nos tapis ; nous arrachâmes du toit quelques branches d’arbre, que nous étendîmes comme une claie sur le sol délayé ; ces bûches empêchaient nos nattes de tremper dans l’eau ; nos matelas, nos tapis, nos manteaux, formaient un second plancher ; nous allumâmes un feu dans un coin de cet abri, et nous passâmes ainsi la longue nuit du 7 au 8 avril 1833.

De temps en temps l’ouragan assoupi se réveillait ; il semblait que la montagne s’écroulait sur elle-même ; l’énorme rocher auquel était adossé le kan tremblait comme un tronc d’arbre secoué par la rafale, et les mugissements du torrent remplissaient la mer et le ciel de hurlements lamentables. Nous finîmes cependant par nous endormir, et nous nous réveillâmes tard, aux rayons éclatants d’un soleil serein sur la neige.

Les Arabes, nos compagnons, étaient partis ; ils avaient heureusement tenté de traverser le torrent ; nous les aperçûmes de loin, gravissant les collines où nous devions les