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nonçai donc, non sans peine. Un voyageur, dans les mêmes circonstances que moi, pourra facilement l’accomplir, et jeter sur ce phénomène naturel, et sur cette question géographique, les lumières que la critique et la science sollicitent depuis si longtemps.

L’aspect de la mer Morte n’est ni triste ni funèbre, excepté à la pensée. À l’œil, c’est un lac éblouissant, dont la nappe immense et argentée répercute la lumière et le ciel, comme une glace de Venise ; des montagnes, aux belles coupes, jettent leur ombre jusque sur ses bords. On dit qu’il n’y a ni poissons dans son sein, ni oiseaux sur ses rives. Je n’en sais rien ; je n’y vis ni procellaria, ni mouettes, ni ces beaux oiseaux blancs, semblables à des colombes marines, qui nagent tout le jour sur les vagues de la mer de Syrie, et accompagnent les caïques sur le Bosphore ; mais, à quelques centaines de pas de la mer Morte, je tirai et tuai des oiseaux semblables à des canards sauvages, qui se levaient des bords marécageux du Jourdain. Si l’air de la mer était mortel pour eux, ils ne viendraient pas si près affronter ses vapeurs méphitiques. Je n’aperçus pas non plus ces ruines de villes englouties que l’on voit, dit-on, à peu de profondeur sous les vagues. Les Arabes qui m’accompagnaient prétendent qu’on les découvre quelquefois.

Je suivis longtemps les bords de cette mer, tantôt du côté de l’Arabie, où est l’embouchure du Jourdain (ce fleuve est là, véritablement, comme les voyageurs le décrivent, une mare d’eau sale dans un lit de boue), tantôt du côté des montagnes de Judée, où les rivages s’élèvent, et prennent quelquefois la forme des légères dunes de l’Océan. La nappe