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pler ses vêtements et ses bijoux. » Les femmes du scheik passèrent en effet voilées par le divan où nous étions, et entrèrent dans l’appartement de ma femme. Il y en avait trois : une déjà âgée, qui semblait la mère des deux autres. Les deux jeunes étaient remarquablement belles, et semblaient pleines de respect, de déférence et d’attachement pour la plus âgée. Ma femme leur fit quelques petits présents, et elles lui en firent d’autres de leur côté. Pendant cette entrevue, le vénérable scheik de Zebdani nous avait conduits sur une terrasse qu’il a élevée tout près de sa maison, au bord du fleuve. Des piliers, plantés dans le lit même de la rivière, portent un plancher recouvert de tapis ; un divan règne alentour, et un arbre immense, pareil à ceux que j’avais déjà vus au bord du chemin, couvre de son ombre la terrasse et le fleuve tout entier. C’est là que le scheik, comme tous les Turcs, passe ses heures de loisir au murmure et à la fraîcheur des eaux du fleuve écumantes sous ses yeux, à l’ombre de l’arbre, au chant de mille oiseaux qui le peuplent. Un pont de planches conduit de la maison sur cette terrasse suspendue. C’est un des plus beaux sites que j’aie contemplés dans mes voyages. La vue glisse sur les dernières croupes arrondies et sombres de l’Anti-Liban, qui dominent les pyramides de roche noire, ou les pics de neige ; elle descend avec le fleuve et ses vagues d’écume entre les cimes inégales des forêts d’arbres variés qui tracent sa course, et va se perdre avec lui dans les plaines descendantes de la Mésopotamie, qui entrent, comme un golfe de verdure, dans les sinuosités des montagnes.

Le souper étant prêt, je priai le scheik de vouloir bien le partager avec nous. Il accepta de bonne grâce, et parut