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tant les innombrables lianes qui serpentaient à leurs pieds, et se tressaient d’une tige à l’autre, formaient entre eux un inextricable réseau.

Ces forêts s’étendaient à perte de vue, des deux côtés et sur les deux rives du fleuve. Il nous fallut descendre de cheval, et établir notre camp dans une des clairières de la forêt, pour pénétrer à pied jusqu’au cours du Jourdain, que nous entendions sans le voir. Nous avançâmes avec peine, tantôt dans le fourré du bois, tantôt dans les longues herbes, tantôt à travers les tiges hautes des joncs : enfin, nous trouvâmes un endroit où le gazon seul bordait les eaux, et nous trempâmes nos pieds et nos mains dans le fleuve. Il peut avoir cent à cent vingt pieds de largeur ; sa profondeur paraît considérable ; son cours est rapide comme celui du Rhône à Genève ; ses eaux sont d’un bleu pâle, légèrement ternies par le mélange des terres grises qu’il traverse et qu’il creuse, et dont nous entendions, de moments en moments, d’énormes falaises qui s’écroulaient dans son cours : ses bords sont à pic, mais il les remplit jusqu’au pied des joncs et des arbres dont ils sont couverts. Ces arbres, à chaque instant minés par les eaux, y laissent pendre et traîner leurs racines ; souvent déracinés eux-mêmes, et manquant d’appui dans la terre qui s’éboule, ils penchent sur les eaux avec tous leurs rameaux et toutes leurs feuilles, qui y trempent, et lancent comme des arches de verdure d’un bord à l’autre. De temps en temps un de ces arbres est emporté avec la portion du sol qui le soutient, et vogue tout feuillé sur le fleuve avec ses lianes arrachées et accrochées à ses branches, ses nids submergés, et ses oiseaux encore perchés sur ses rameaux : nous en vîmes passer plu-