Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques Arabes sont venus nous avertir que les cavaliers étaient dans la plaine au-dessus des temples, mais qu’impatientés de nos délais ils allaient se retirer ; que le prince pensait que ce spectacle ne nous était pas agréable, puisque nous différions de nous y rendre, et qu’il nous priait de monter à son sérail lorsque nous aurions satisfait notre curiosité ; qu’il nous préparait chez lui un autre divertissement. Cette tolérance de ce chef d’une tribu féroce des Arabes les plus redoutés de ce désert nous étonnait. En général, les Arabes et les Turcs eux-mêmes ne permettent pas aux étrangers de visiter seuls aucune ruine d’anciens monuments ; ils croient que ces débris renferment d’immenses trésors gardés par les génies ou les démons, et que les Européens connaissent les paroles magiques qui les découvrent ; comme ils ne veulent pas qu’on les emporte, ils sont d’une extrême vigilance autour des Francs dans ces contrées : ici, au contraire, nous étions absolument abandonnés à nous-mêmes ; nous n’avions pas même un guide arabe avec nous, et les enfants de la tribu s’étaient éloignés par respect. Je ne sais à quoi tient cette respectueuse déférence de l’émir de Balbek dans cette circonstance ; peut-être nous prend-il pour des émissaires d’Ibrahim-Pacha. Le fait est que nous sommes trop peu nombreux pour inspirer de la crainte à une tribu entière de cinq ou six cents hommes accoutumés au combat et vivant de rapines ; et cependant ils n’osent ni s’approcher de nous, ni nous interroger, ni s’opposer à aucune de nos démarches ; nous pourrions rester un mois dans les temples, y faire des fouilles, emporter les fragments les plus précieux de ces sculptures, sans que qui que ce soit s’y opposât. Je regrette vivement ici, comme à la mer Morte, de n’avoir pas connu d’avance la disposition