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nous reposer d’une marche de quatorze heures. Nous laissâmes à gauche la montagne de ruines et une vaste plage toute blanche de débris, et, traversant quelques champs de gazon broutés par les chèvres et les chameaux, nous nous dirigeâmes vers une fumée qui s’élevait, à quelques cents pas de nous, d’un groupe de ruines entremêlées de masures arabes. Le sol était inégal et montueux, et retentissait sous les fers de nos chevaux, comme si les souterrains que nous foulions allaient s’entr’ouvrir sous leurs pas. Nous arrivâmes à la porte d’une cabane basse, et à demi cachée par les pans de marbre dégradés, et dont la porte et les étroites fenêtres, sans vitres et sans volets, étaient construites de marbre et de porphyre, mal collés ensemble avec un peu de ciment. Une petite ogive de pierre s’élevait, d’un ou deux pieds, au-dessus de la plate-forme qui servait de toit à cette masure, et une petite cloche, semblable à celle que l’on peint sur la grotte des ermites, s’y balançait aux bouffées du vent : c’était le palais épiscopal de l’évêque arabe de Balbek, qui surveillait, dans ce désert, un petit troupeau de douze ou quinze familles chrétiennes, de la communion grecque, perdues au milieu de ces déserts, et de la tribu féroce des Arabes indépendants de Bkâ.

Jusque-là nous n’avions vu aucun être vivant que les chacals qui couraient entre les colonnes du grand temple, et les petites hirondelles, au collier de soie rose, qui bordaient, comme un ornement d’architecture orientale, les corniches de la plate-forme. L’évêque, averti par le bruit de notre caravane, arriva bientôt, et, s’inclinant sur la porte, m’offrit l’hospitalité. C’était un beau vieillard, aux cheveux et à la barbe d’argent, à la physionomie grave et douce, à la