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Balbeck, 29 mars, à minuit.


Je suis allé hier seul sur la colline des Temples, au clair de lune, penser, pleurer et prier. Dieu sait ce que je pleure et pleurerai tant qu’il me restera un souvenir, une larme ! Après avoir prié pour moi et pour ceux qui sont partie de moi, j’ai prié pour tous les hommes. Cette grande tente renversée de l’humanité, sur les ruines de laquelle j’étais assis, m’a inspiré des sentiments si forts et si ardents, qu’ils se sont presque d’eux-mêmes échappés en vers, langage naturel de ma pensée toutes les fois que ma pensée me domine.

Je les ai écrits ce matin, au lieu même et sur la pierre où je les ai sentis cette nuit.



VERS ÉCRITS À BALBEK


Mystérieux déserts, dont les larges collines
Sont les os des cités dont le nom a péri ;
Vastes blocs qu’a roulés le torrent des ruines ;
Immense lit d’un peuple où la vague a tari ;
Temples qui, pour porter vos fondements de marbre,
Avez déraciné les grands monts comme un arbre ;