Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

scheik assis la pipe à la main, couvert d’une pelisse écarlate, et nous regardant passer dans l’attitude de la puissance et du repos : voilà les personnages. — Ajoutez-y deux jeunes et belles femmes, l’une accoudée à une fenêtre haute de l’édifice, l’autre debout sur un balcon au-dessus de la porte.

Nous couchons à Hammana dans une chambre qu’on nous avait préparée depuis quelques jours. — Nous nous levons avant le soleil, nous gravissons la dernière cime du Liban. La montée dure une heure et demie ; on est enfin dans les neiges, et l’on suit ainsi dans une plaine élevée, légèrement diversifiée par les ondulations des collines, comme au sommet des Alpes, la gorge qui conduit de l’autre côté du Liban. — Après deux heures de marche pénible dans deux ou trois pieds de neige, on découvre d’abord les cimes élevées et neigeuses encore de l’Anti-Liban, puis ses flancs arides et nus, puis enfin la belle et large plaine du Bkâ, faisant suite à la vallée de Balbek à droite. Cette plaine commence au désert de Homs et de Hama, et ne se termine qu’aux montagnes de Galilée vers Saphadt ; elle laisse seulement là un étroit passage au Jourdain, qui va se jeter dans la mer de Génésareth. — C’est une des plus belles et des plus fertiles plaines du monde, mais elle est à peine cultivée : toujours infestée par les Arabes errants, les habitants de Balbek, de Zaklé ou des autres villages du Liban, osent à peine l’ensemencer. Elle est arrosée par un grand nombre de torrents, de sources intarissables, et présentait à l’œil, quand nous la vîmes, plutôt l’aspect d’un marécage ou d’un lac mal desséché, que celui d’une terre.