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jaunâtres et de grès légèrement tachés de rose, qui donnent de loin à la montagne cette couleur violette et rosée qui enchante le regard. Rien de remarquable jusqu’aux deux tiers de la montagne : là, le sommet d’un promontoire qui s’avance sur une profonde vallée. — Un des plus beaux coups d’œil qu’il soit donné à l’homme de jeter sur l’œuvre de Dieu, c’est la vallée d’Hammana : elle est sous vos pieds ; elle commence par une gorge noire et profonde, creusée presque comme une grotte dans les plus hauts rochers et sous les neiges du Liban le plus élevé : on ne la distingue d’abord que par le torrent d’écume qui descend avec elle des montagnes, et trace, dans son obscurité, un sillon mobile et lumineux : elle s’élargit insensiblement de degrés en degrés, comme son torrent de cascades en cascades ; puis tout à coup se détournant vers le couchant, et formant un cadre gracieux et souple, comme un ruisseau qui entre dans un fleuve ou qui devient fleuve lui-même, elle entre dans une plus large vallée, et devient vallée elle-même ; elle s’étend dans une largeur moyenne d’une demi-lieue, entre deux chaînes de la montagne ; elle se précipite vers la mer par une pente régulière et douce ; elle se creuse ou s’élève en collines, selon les obstacles de rochers qu’elle rencontre dans sa course : sur ces collines, elle porte des villages séparés par des ravins, d’immenses plateaux entourés de noirs sapins, et dont les plates-formes cultivées portent un beau monastère ; dans ces ravins, elle répand toutes les eaux de ses mille cascades, et les roule en écume étincelante et bruyante. Les flancs des deux parois du Liban qui la ferment sont couverts eux-mêmes d’assez beaux groupes de sapins, et de couvents, et de hauts villages, dont la fumée bleue court sur leurs précipices. À l’heure où cette vallée