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Laissez-moi seul, allez ; j’y veux sentir aussi
Ce qu’il tient de douleur dans une heure infinie :
Homme de désespoir, mon culte est l’agonie ;

Mon autel à moi, c’est ici !


Il est, au pied poudreux du jardin des Olives,
Sous l’ombre des remparts d’où s’écroula Sion,
Un lieu d’où le soleil écarte tout rayon,
Où le Cédron tari filtre entre ses deux rives :
Josaphat en sépulcre y creuse ses coteaux ;
Au lieu d’herbe, la terre y germe des ruines,
Et des vieux troncs minés les traînantes racines

Fendent les pierres des tombeaux.


Là, s’ouvre entre deux rocs la grotte ténébreuse
Où l’Homme de douleur vint savourer la mort,
Quand, réveillant trois fois l’amitié qui s’endort,
Il dit à ses amis : « Veillez ; l’heure est affreuse ! »
La lèvre, en frémissant, croit encore étancher
Sur le pavé sanglant les gouttes du calice,
Et la moite sueur du fatal sacrifice

Sue encore aux flancs du rocher.


Le front dans mes deux mains, je m’assis sur la pierre,
Pensant à ce qu’avait pensé ce front divin,
Et repassant en moi, de leur source à leur fin,
Ces larmes dont le cours a creusé ma carrière.
Je repris mes fardeaux et je les soulevai ;
Je comptai mes douleurs, mort à mort, vie à vie ;
Puis dans un songe enfin mon âme fut ravie.

Quel rêve, grand Dieu, je rêvai !