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de Castravan : cette contrée s’étend du Nahr-el-Kébir au Nahr-el-Kelb. C’est le pays, proprement dit, dés Maronites : cette terre leur appartient : c’est là seulement que leurs priviléges s’étendent, bien que de jour en jour ils se répandent dans le pays des Druzes, et y portent leurs lois et leurs mœurs. Le principal produit de ces montagnes est la soie. Le miri, ou l’impôt territorial, est fixé d’après le nombre des mûriers que chacun possède. Les Turcs exigent de l’émir Beschir un ou deux miris par an comme tribut, et l’émir en perçoit souvent en outre plusieurs pour son propre compte : néanmoins, et malgré les plaintes des Maronites sur l’excès des taxes, ces impôts ne sont pas à comparer avec ce que nous payons en France ou en Angleterre. Ce n’est pas le taux de l’impôt, c’est son arbitraire, c’est son irrégularité qui opprime une nation. Si l’impôt en Turquie était légal et fixe, on ne le sentirait pas ; mais là où la taxe n’est pas déterminée par la loi, il n’y a pas de propriété, ou bien la propriété est incertaine et languissante : la richesse d’un peuple, c’est la bonne constitution de la propriété. Chaque scheik de village répartit l’impôt, et s’en attribue une portion à lui-même. Au fond, ce peuple est heureux. Ses dominateurs le craignent, et n’osent s’établir dans ses provinces ; sa religion est libre et honorée ; ses couvents, ses églises couvrent les sommets de ses collines ; ses cloches, qu’il aime comme une voix de liberté et d’indépendance, sonnent nuit et jour la prière dans les vallées ; il est gouverné par ses propres chefs, choisis par l’usage, ou donnés par l’hérédité parmi ses principales familles ; une police rigoureuse, mais juste, maintient l’ordre et la sécurité dans les villages ; la propriété est connue, garantie, transmissible du père au fils ; le commerce est actif, les mœurs par-