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vint consulter M. de Laroyère, que j’avais auprès de moi, et lui demanda si, en sa qualité de médecin, il pouvait lui donner l’avis formel et consciencieux que l’air de Syrie était mortel pour sa constitution. M. de Laroyère, dont la conscience est aussi sévèrement scrupuleuse que celle du jeune prêtre, n’osa pas lui dire aussi explicitement sa pensée, et le bon religieux se tut et resta.

Ces ecclésiastiques, perdus dans ce vaste monastère où ils n’ont qu’un seul Arabe pour les servir, nous reçurent avec cette cordialité que le nom de la patrie inspire à ceux qui se rencontrent loin d’elle. Nous passâmes deux jours avec eux : nous avions chacun une assez grande cellule avec un lit et des chaises, meubles inusités dans ces montagnes. Le couvent est situé dans le creux d’un vallon, au pied d’un bois de pins ; mais ce vallon lui-même, à mi-hauteur du Liban, a, par une gorge, une échappée de vue sans bornes sur les côtes et sur la mer de Syrie ; le reste de l’horizon se compose de sommets et d’aiguilles de roches grises, couronnés de villages ou de grands monastères maronites. Quelques sapins, des orangers et des figuiers, croissent çà et là dans les abris de roc, et aux environs des torrents et des sources : c’est un site digne de Naples et du golfe de Gênes.

Le couvent d’Antoura est voisin d’un couvent de femmes maronites, dont les religieuses appartiennent aux principales familles du Liban. Des fenêtres de nos cellules nous voyions celles de ces jeunes Syriennes, que l’arrivée d’une compagnie d’étrangers dans leur voisinage semblait vivement préoccuper. Ces couvents de femmes n’ont ici aucune