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tue son chevreau pour lui faire honneur, il abandonne sa natte de joncs pour lui faire place.

Il y a dans tous les villages une église ou une chapelle, dans laquelle les cérémonies du culte catholique sont célébrées dans la forme et dans la langue syriaques. À l’évangile, le prêtre se retourne vers les assistants et leur lit l’évangile du jour en arabe. Les religions, qui durent plus que les races humaines, conservent leur langue sacrée quand les peuples ont perdu les leurs.

Les Maronites sont braves et naturellement guerriers, comme tous les montagnards ; ils se lèvent, au nombre de trente à quarante mille hommes, à la voix de l’émir Beschir, soit pour défendre les routes inaccessibles de leurs montagnes, soit pour fondre dans la plaine, et faire trembler Damas ou les villes de Syrie. Les Turcs n’osent jamais pénétrer dans le Liban, quand ces peuples sont en paix entre eux ; les pachas d’Acre et de Damas n’y sont jamais venus que lorsque des discussions intestines les appelaient au secours de l’un ou de l’autre parti. Je ne sais si je me trompe, mais je crois que de grandes destinées peuvent être réservées à ce peuple maronite, peuple vierge et primitif par ses mœurs, sa religion et son courage ; peuple qui a les vertus traditionnelles des patriarches, la propriété, un peu de liberté, beaucoup de patriotisme, et qui, par la similitude de religion et les relations de commerce et de culte, s’imprègne de jour en jour davantage de la civilisation occidentale. Pendant que tout périt autour de lui d’impuissance ou de vieillesse, lui seul semble rajeunir et prendre de nouvelles forces ; à mesure que la Syrie se dépeuplera,