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comme la musique, exprime dans une langue à part ce que nulle langue ne peut exprimer.

Ces aspects, ces pensées, rajeunissent l’âme ; — elles font sentir le seul charme inépuisable que Dieu ait répandu sur la terre, et regretter que les heures de la vie soient si rapides et si mêlées. — Deux seuls sentiments suffiraient à l’homme, vécût-il l’âge des rochers, la contemplation de Dieu et l’amour. — L’amour et la religion sont les deux pensées ou plutôt la pensée une des peuples du Midi ; — aussi ne cherchent-ils pas autre chose, ils ont assez. — Nous les plaignons, il faudrait les envier. — Qu’y a-t-il de commun entre nos passions factices, entre la tumultueuse agitation de nos vaines pensées, et ces deux seules pensées vraies qui occupent la vie de ces enfants du soleil : — la religion et l’amour ; l’une enchantant le présent, l’autre enchantant l’avenir ? Aussi j’ai toujours été frappé, malgré les préjugés contraires, du calme profond et rarement troublé des physionomies du Midi, et de cette masse de repos, de sérénité et de bonheur répandue dans les habitudes et sur les visages de cette foule silencieuse qui respire, vit, aime et chante sous vos yeux ; — le chant, ce superflu du bonheur et des impressions dans une âme trop pleine ! On chante à Rome, à Naples, à Gênes, à Malte, en Sicile, en Grèce, en Ionie, sur le rivage, sur les flots, sur les toits ; on n’entend que le lent récitatif du pêcheur, du matelot, du berger, ou les bourdonnements vagues de la guitare pendant les nuits sereines. — C’est du bonheur, quoi qu’on en dise. — Ils sont esclaves, dites-vous ? Qu’en savent-ils ? Esclavage ou liberté ! malheur ou bonheur de convention ! Le malheur ou le bonheur sont plus près de nous. Qu’importe à ces foules paisi-