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ractère, — toute la gravité qu’on peut attendre d’un pareil monument dans un pareil lieu, — grandeur, noblesse, richesse. Les clefs de Rhodes, emportées après leur défaite par les chevaliers, sont suspendues aux deux côtés de l’autel, symbole de regrets éternels ou d’espérances à jamais trompées. — Voûte superbe, peinte en entier par le Calabrèse ; — œuvre digne de Rome moderne dans ses plus beaux temps de la peinture.

Un seul tableau me frappe dans la chapelle de l’Élection ; — il est de Michel-Ange de Caravaggio, que les chevaliers du temps avaient appelé dans l’île pour peindre la voûte de Saint-Jean. Il l’entreprit, mais la fougue et l’irritabilité de son caractère sauvage l’emportèrent ; il eut peur d’un long ouvrage, et partit. — Il laissa son chef-d’œuvre a Malte, la Décollation de saint Jean-Baptiste. Si nos peintres modernes, qui cherchent le romantisme par système au lieu de le trouver par nature, voyaient ce magnifique tableau, ils trouveraient leur prétendue invention inventée avant eux. — Voilà le fruit né sur l’arbre, et non le fruit artificiel moulé en cire et peint en couleurs fausses ; — pittoresque d’attitudes, énergie de tableau, profondeur de sentiment, vérité et dignité réunies ; — vigueur de contraste, et cependant unité et harmonie, horreur et beauté tout ensemble, voilà le tableau. — C’est un des plus beaux que j’aie vus de ma vie. — C’est le tableau que cherchent les peintres de l’école actuelle. — Le voilà, il est trouvé. Qu’ils ne cherchent plus. — Ainsi rien de nouveau dans la nature et dans les arts. — Tout ce qu’on fait a été fait ; — tout ce qu’on dit a été dit ; — tout ce qu’on rêve a été rêvé. — Tout siècle est plagiaire d’un autre siècle ; car tous tant, que nous sommes, artistes