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gieux dans son âme, soit qu’il ait gardé la lettre du christianisme, les dogmes de sa mère, soit qu’il n’ait qu’un christianisme philosophique et selon l’esprit, soit que le Christ pour lui soit un Dieu crucifié, soit qu’il ne voie en lui que le plus saint des hommes divinisé par la vertu, inspiré par la vérité suprême, et mourant pour rendre témoignage à son Père ; que Jésus soit à ses yeux le Fils de Dieu ou le Fils de l’homme, la Divinité faite homme ou l’humanité divinisée, toujours est-il que le christianisme est la religion de ses souvenirs, de son cœur et de son imagination ; qu’il ne s’est pas tellement évaporé au vent du siècle et de la vie, que l’âme où on le versa n’en conserve la première odeur, et que l’aspect des lieux et des monuments visibles de son premier culte ne rajeunisse en lui ses impressions, et ne l’ébranle d’un solennel frémissement. Pour le chrétien ou pour le philosophe, pour le moraliste ou pour l’historien, ce tombeau est la borne qui sépare deux mondes, le monde ancien et le monde nouveau ; c’est le point de départ d’une idée qui a renouvelé l’univers, d’une civilisation qui a tout transformé, d’une parole qui a retenti sur tout le globe : ce tombeau est le sépulcre du vieux monde et le berceau du monde nouveau ; aucune pierre ici-bas n’a été le fondement d’un si vaste édifice ; aucune tombe n’a été si féconde ; aucune doctrine ensevelie trois jours ou trois siècles n’a brisé d’une manière aussi victorieuse le rocher que l’homme avait scellé sur elle, et n’a donné un démenti à la mort par une si éclatante et si perpétuelle résurrection !

J’entrai à mon tour et le dernier dans le saint sépulcre, l’esprit assiégé de ces idées immenses, le cœur ému d’impressions plus intimes, qui restent mystère entre l’homme