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Après avoir circulé quelque temps dans ces rues toutes semblables, arrêtés de temps en temps par l’interprète du couvent latin, qui, en nous montrant une maison turque en décombres, une vieille porte en bois vermoulu, les débris d’une fenêtre moresque, nous disait : « voilà la maison de Véronique, la porte du Juif-Errant, la fenêtre du Prétoire ; » paroles qui ne faisaient qu’une pénible impression sur nous, démenties qu’elles étaient par l’aspect évidemment moderne et par l’invraisemblance parlante de ces démonstrations arbitraires ; pieuses fraudes dont personne n’est coupable, parce qu’elles datent de je ne sais qui, et qu’on les répète peut-être depuis des siècles aux pèlerins, dont la crédulité ignorante les a elle-même inventées. — On nous montre enfin le toit du couvent latin, mais nous ne pouvons y entrer. Les religieux sont en quarantaine, le monastère est fermé en temps de peste. Une petite maison qui en dépend reste seulement ouverte aux étrangers, sous la direction du religieux, curé de Jérusalem ; elle n’a qu’une ou deux chambres ; elles sont occupées, nous n’y allons pas. On nous introduit dans une petite cour carrée, enceinte de toutes parts par de hautes arcades qui portent des terrasses ; c’est la cour d’un couvent. Les religieux viennent sur les terrasses, et s’entretiennent quelques moments avec nous en espagnol et en italien. Aucun d’eux ne parle français ; ceux que nous voyons sont presque tous des vieillards à la physionomie douce, vénérable et heureuse. Ils nous accueillent avec gaieté et cordialité, et paraissent regretter beaucoup que la calamité régnante leur interdise toute communication avec des hôtes exposés comme nous à prendre et à donner la peste. Nous leur apprenons des nouvelles d’Europe ; ils nous offrent les secours que leur pays com-