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vers le ciel, et d’où s’échappent quelques tiges d’une ou deux années, couronnées de quelques touffes de feuilles, et noircies de quelques petites olives bleues qui tombent, comme des reliques célestes, sur les pieds du voyageur chrétien. Je m’écartai de la caravane, qui était restée autour du tombeau de la Vierge, et je m’assis un moment sur les racines du plus solitaire et du plus vieux de ces oliviers ; son ombre me cachait les murs de Jérusalem ; son large tronc me dérobait aux regards des bergers, qui paissaient des brebis noires sur le penchant du mont des Olives. Je n’avais sous les yeux que le ravin profond et déchiré du Cédron, et les cimes de quelques autres oliviers qui couvrent en cet endroit toute la largeur de la vallée de Josaphat. Nul bruit ne s’élevait du lit du torrent à sec, nulle feuille ne frémissait sur l’arbre. Je fermai un moment les yeux, je me reportai en pensée à cette nuit, veille de la rédemption du genre humain, où le Messager divin avait bu jusqu’à la lie le calice de l’agonie, avant de recevoir la mort de la main des hommes, pour salaire de son céleste message.

Je demandai ma part de ce salut qu’il était venu apporter au monde à un si haut prix ; je me représentai l’océan d’angoisses qui dut inonder le cœur du Fils de l’homme quand il contempla d’un seul regard toutes les misères, toutes les ténèbres, toutes les amertumes, toutes les vanités, toutes les iniquités du sort de l’homme ; quand il voulut soulever seul ce fardeau de crimes et de malheurs sous lequel l’humanité tout entière passe courbée et gémissante dans cette étroite vallée de larmes ; quand il comprit qu’on ne pouvait apporter même une vérité et une consolation nouvelle à l’homme qu’au prix de sa vie ; quand, reculant d’effroi de-