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profond ou d’un fossé où nous apercevions de temps en temps les pierres fondamentales de l’ancienne enceinte d’Hérode. À tous les pas nous rencontrions les cimetières turcs, blanchis de monuments funéraires surmontés du turban : ces cimetières, dont la peste peuplait chaque nuit les solitudes, étaient çà et là remplis de groupes de femmes turques et arabes qui venaient pleurer leurs maris ou leurs pères. Quelques tentes étaient plantées sur les tombes, et sept ou huit femmes assises ou à genoux, tenant de beaux enfants qu’elles allaitaient, sur leurs bras, poussaient, par intervalles, des lamentations cadencées, chants ou prières funèbres dont la religieuse mélancolie s’alliait merveilleusement à la scène désolée qui était sous nos yeux. Ces femmes n’étaient point voilées ; quelques-unes étaient jeunes et belles ; elles avaient à côté d’elles des corbeilles pleines de fleurs artificielles, et peintes de couleurs éclatantes, qu’elles plantaient tout autour du tombeau en les arrosant de larmes. Elles se penchaient de temps en temps vers la terre fraîchement remuée, et chantaient au mort quelques versets de leur complainte, paraissant lui parler tout bas ; puis, restant en silence, l’oreille collée au monument, elles avaient l’air d’attendre et d’écouter la réponse. Ces groupes de femmes et d’enfants, assis pour pleurer là tout le jour, étaient le seul signe de vie et d’habitation humaine qui nous apparût pendant notre circuit autour des murailles : du reste, nul bruit, nulle fumée ne s’élevait ; et quelques colombes, volant des figuiers aux créneaux, et des créneaux sur les bords des piscines saintes, étaient le seul mouvement et le seul murmure de cette enceinte muette et vide.

À moitié chemin de la descente qui nous conduisait au